Pour cette septième escale, nous nous intéresserons au troisième pays appartenant au MSCI World de cette série : le Japon. Considéré comme une économie développée depuis longtemps à la suite des plans de reconstruction américain, ce groupe d’îles a été pionnier du développement en Asie de l’Est. Lorsque l’on considère cette zone géographique, il est également souvent exclu des indices car trop différent des autres économies du secteur. Nous verrons donc quelles sont les spécificités de ce pays.

Quelques chiffres

Avec un PIB de près de 5000 milliards, le Japon est la troisième puissance économique mondiale derrière les Etats-Unis et la Chine. Commerçant avec l’Occident depuis le XVIème siècle, la croissance économique du pays arrive au cours du XIXème lors de l’ère Meiji qui marque l’ouverture et l’industrialisation du pays. En tant que grande économie et pays développé le pays compte parmi ses 10 plus grandes capitalisations de grandes compagnies connues de tous. Ainsi en tête du classement se trouvent Toyota et Sony, officiant toutes les deux dans le secteur de la consommation discrétionnaire.

Cependant le Japon est aussi une grande puissance industrielle, ainsi et devant la consommation discrétionnaire, le secteur industriel est le plus capitalisé dans l’indice dont il représente 22%.

Bien que le Japon soit connu pour être une nation technologique ce qui permet des gains de productivité ainsi que la production d’articles de meilleure qualité, il est peu commun que l’industrie se retrouve comme secteur le plus capitalisé dans les pays développés. En effet, ce secteur est communément faiblement capitalisé du fait des faibles marges qu’il produit. Mais un autre des facteurs qui place l’industrie nippone à la tête des capitalisations est l’utilisation d’une monnaie faible qui permet de pallier ce manque de valeur ajoutée.

Le Yen : une monnaie faible

Les entreprises japonaises profitent en effet à l’exportation d’une monnaie faible. Ainsi, les importations coûtent cher aux Japonais mais la conversion en devise nationale du produit des exportations permet des gains liés au change pour les entreprises. Cependant depuis quelques années la balance commerciale a tendance à passer en négatif, nous allons donc voir les causes et conséquences de la dépréciation du Yen et si cela peut être une solution pour le pays.

La faiblesse de la monnaie japonaise est multifactorielle. Tout d’abord on pensera aux taux bas de la dette souveraine nippone, dont le 10 ans est aujourd’hui rémunéré à 0,25%. Également et alors que le taux américain a augmenté de 2004 à 2005 en passant de 1 à 4%, les taux nippons eux sont restés autour de 0. De ce fait les spéculateurs shortaient le yen et achetaient de la dette américaine. Ainsi entre 2005 et 2007, un dollar qui valait 103 yens a vu sa valeur s’envoler à 124 yens et ce sans compter les intérêts de la dette. A côté de ce phénomène, les banques nippones ont également développé leurs activités off-shore de prêt en devise ce qui a également provoqué une fuite de capitaux. Outre le fait qu’elle est accommodante pour les entreprises exportatrices, cette politique de taux bas est également intéressante pour l’Etat japonais. Avec un endettement s’élevant à 200% du PIB, le Japon est le pays le plus endetté au monde. Celui-ci provient du déséquilibre du budget de l’Etat dont il est arrivé qu’il soit financé à 50% par l’émission de dette. Cependant avec des taux nuls le pays n’a pas d’intérêts à payer et peut donc s’endetter indéfiniment en roulant sa dette (ce qui consiste à rembourser le capital en souscrivant à un nouvel emprunt, qui sera remboursé en émettant à nouveau de la dette, etc). Ceci est d’autant plus facile que la dette nippone est détenue en extrême majorité par les Japonais. De ce fait l’Etat pourrait tout à fait rembourser les nationaux en émettant de la monnaie, ce qui reviendrait à échanger un avoir en yen ne rapportant pas d’intérêts contre sa valeur en devise. Cette solution a cependant l’inconvénient d’augmenter la masse monétaire en circulation ce qui risque de provoquer de l’inflation. De plus, les investisseurs étrangers n’accepteraient pas cette mesure car elle ferait baisser la valeur du yen face aux autres monnaies. Cette solution est en partie appliquée par la banque centrale japonaise qui a beaucoup eu recours au quantitative easing afin de racheter la dette publique.

Après les points énoncés plus haut on constate qu’avoir une monnaie faible présente de nombreux avantages. Le revers de la médaille est en revanche le prix élevé des importations, ce qui s’avère problématique pour le Japon. En effet, la situation géographique du pays le rend dépendant de l’étranger pour ses approvisionnements en énergie et en nourriture. Or les prix dans ces secteurs ayant grandement augmenté en 2022, cela représente un risque pour la balance commerciale du pays. L’augmentation des taux souverains américains face à l’inflation a de plus fait tomber le yen au plus bas de sa côte face au dollar depuis 32 ans. Ces raisons ont poussé la banque centrale à puiser dans ses réserves de change 63 milliards de dollars entre septembre et octobre 2022, une première en 22 ans. Cette mesure vise à contenir la baisse du yen, en effet la banque centrale craint le retour des spéculations contre sa monnaie ce qui pourrait induire une baisse incontrôlable. C’est également pour ces raisons que ces mesures n’ont pas été annoncées en amont et pas tout de suite reconnues afin de surprendre les marchés et d’installer l’incertitude.

De plus à terme les taux bas provoquent une inflation basse au point que le Japon a dû mettre en place un plan anti-déflation en 2013. La déflation a le problème qu’elle ralentit l’économie car le consommateur préférera garder son argent d’aujourd’hui qui lui donnera un plus grand pouvoir d’achat demain du fait de la baisse des prix. Si cela peut paraître être une bonne chose à court terme, sur le temps long une boucle prix salaire se met en place et fait baisser les revenus de la population. Ainsi et alors que l’on constate que les pays avec une faible inflation créent les conditions de la hausse des salaires et du pouvoir d’achat, ce n’est pas le cas lorsque l’inflation est trop faible.

Bilan

En conclusion de cette étude, on constate que le Japon dispose d’un fort potentiel par ses activités économiques et ses entreprises de qualité, cependant la situation n’est pas aussi simple et notamment pour les salariés japonais. Le pays qui a pendant longtemps pu profiter de son avance technologique ainsi que du fait de produire à bas coût chez ses voisins alors peu développés ne dispose plus de ces atouts. De ce fait, une stagnation du PIB est observée dans le pays depuis les années 1990.

Cette stagnation a été renforcée par la chute de la démographie nippone. En effet, depuis 2002, la population de l’archipel diminue chaque année du fait de la faible natalité. Si l’on s’intéresse à la tranche des actifs, c’est celle-ci qui est fortement impactée du fait du vieillissement de la population qui induit une transformation des habitudes de consommation et de l’économie.

Toutes ces raisons rendent les marchés plutôt pessimistes à l’endroit du Japon avec un PER de 14,41 soit trois points de moins que celui de l’indice World. Ainsi, l’indice national sous-performe les indices World et ACWI au cours des 10 dernières années malgré l’implantation et la qualité des titres du pays. L’indice a même eu une performance légèrement négative sur 5 ans.

Jules Mainand