Désolé pour ceux qui cherchaient le dépaysement mais notre tour du monde commence en Suisse. Mais je suis sûr que vous allez tout de même en apprendre sur ce pays que vous pensez bien connaître.

Quelques chiffres

Avec un indice de développement humain (IDH) de 0,962 qui la place à la tête du classement, la Suisse est l’archétype de ce qu’on appelle un pays développé, à ce titre elle fait partie de l’indice MSCI World duquel elle représente 2,84%. Niché au centre l’Europe et avec une population de seulement 8,6 millions d’habitants, ce pays abrite néanmoins des entreprises leaders dans leur domaine et aux capitalisations importantes. Ainsi l’indice MSCI Switzerland est dominé par les trois mastodontes Nestlé, Roche et Novartis représentant à eux trois plus de 50% de celui-ci.

Aussi et contrairement aux idées reçues le secteur financier n’est que le troisième plus important en Suisse après la santé et les biens de consommation courante.

Le pays est réputé pour sa stabilité et sa pérennité et sa monnaie est connue comme étant une réserve de valeur. Ainsi le franc suisse (CHF) n’a cessé de s’apprécier face à l’euro voisin ce qui a augmenté le pouvoir d’achat du citoyen de la Confédération, celui-ci n’a en plus pas eu à se soucier de l’inflation qui est particulièrement basse dans le pays depuis 30 ans.

Pour comprendre ces phénomènes monétaires et économiques au bénéfice de la Suisse nous allons nous intéresser au fonctionnement particulier de sa banque centrale : la Banque Nationale Suisse (BNS). 

Le cas à part de la BNS

La BNS est la banque centrale du pays, à ce titre elle a le monopole de l’émission de monnaie et est chargée de mener la politique monétaire du pays en concertation avec le pouvoir politique. D’après son mandat cette politique doit être menée « de telle sorte que la monnaie garde sa valeur et que l’économie puisse se développer de manière optimale » car « un système monétaire bien organisé et stable est l’une des principales conditions d’une économie prospère ». Même si cet objectif semble simple et de bon sens, il peut s’avérer difficile à remplir. En effet, si la monnaie s’apprécie par rapport aux autres devises, alors les exportations suisses vont diminuer ce qui mettra en danger l’économie du pays. Mais bloquer le taux de change, comme c’était auparavant le cas avec l’euro, impose à la banque d’émettre beaucoup de monnaie pour acheter des devises étrangères et sur son marché ce qui risque à terme de provoquer une inflation incontrôlable. Les taux directeurs imposés doivent également être négatifs ce qui génère une fuite de capitaux. Pour comprendre le compromis qu’a trouvé la BNS nous allons nous intéresser à son bilan en le comparant à celui des autres banques centrales :

On se rend compte que par rapport à la BCE et la FED, la BNS détient la plupart de son bilan en devise étrangères que ce soit en obligations d’Etats (70%) ou privées (10%) mais aussi en actions qui représentent 20% des devises étrangères :

A ce titre, la BNS qui réplique les indices actions est l’un des plus gros investisseurs au monde. A ce titre elle peut être considérée comme un fonds de placement au bénéfice du citoyen suisse. Cette technique a le défaut que le bilan de la banque est sensible aux fluctuations des marchés étrangers, mais à ce titre elle profite également de leurs performances et notamment de celle du marché action, et sa valorisation a pu être multipliée par 10 en moins de de 20 ans ce qui lui permet d’émettre plus de monnaie sans risque.

Le seul problème est que la BNS est prisonnière des politiques des autres banques centrales et doit toujours plus augmenter son bilan pour éviter la montée du CHF. Si elle arrêtait et décidait d’investir dans l’économie suisse les marchés actions monteraient mais l’inflation risquerait également de se propager aux autres actifs ce qui va contre son mandat.

Pros and cons

On a vu que la Suisse disposait de différents atouts, ainsi le pays est stable et garantit un environnement propice à l’investissement. Ses entreprises sont bien implantées dans leurs secteurs respectifs et le secteur de la santé qui domine l’indice national est à forte valeur ajoutée. Enfin la BNS a une politique monétaire qui jusqu’ici porte ses fruits. Le franc suisse s’est quand même apprécié par rapport au dollar mais cela signifie que les titres libellés en CHF aussi. Cependant à terme l’augmentation du cours du franc risque de limiter les exportations du pays. A l’inverse de la monnaie du pays les actions ont sous-performé l’indice World, notamment à cause de la dominance des titres value dans l’indice MSCI Switzerland. Enfin sur un plan sociétal la population est vieillissante et non renouvelée ce qui à terme réduira le nombre d’actifs et le marché interne.

Jules Mainand