Après la Chine nous continuons notre tour du monde avec une autre grande figure des pays émergents : le Brésil. Le plus grand pays d’Amérique latine dispose de nombreuses ressources naturelles mais également d’autres atouts que nous allons étudier plus en détail dans le but de trouver des opportunités d’investissement.

Quelques chiffres

Comme on peut se l’imaginer pour un pays émergent, les plus grandes capitalisations du Brésil sont des entreprises du secteur primaire opérant dans l’extraction et la transformation de ressources. Ainsi l’action la plus capitalisée du pays est Vale ON de l’entreprise Vale spécialisée dans l’extraction et le raffinage de métaux (principalement ferreux) et qui constitue 14,5% de l’indice national. Puis suivent les titres Petrobras PN et ON (suivant qu’ils donnent un droit de vote ou non), avec respectivement 8,9 et 7,8% de l’indice, qui font du groupe pétrolier l’entreprise la plus capitalisée du Brésil. Pourtant en termes de répartition sectorielle les secteurs de l’énergie et des matériaux sont devancés par celui de la finance qui représente 26,1% de l’indice MSCI Brazil. En effet, dans un pays en plein développement et avec des taux directeurs élevés, le secteur bancaire qui est particulièrement pour le financement des autres activités et qui dispose de marges importantes est fortement valorisé.

Mais si nous revenons au secteur primaire, nous n’avons pas parlé de l’agriculture qui représente une grande part de la production et des exportations du Brésil comme le montre la carte de tendances ci-dessous. Ce secteur qui pèse 5% du PIB produit en effet moins de valeur ajoutée et a des marges plus faibles ce qui fait qu’aucune entreprise agricole ne fasse partie des 10 plus grandes capitalisations. Des activités de transformation plus lucratives existent pourtant avec la production de bio-éthanol qui est en place depuis longtemps et devient de plus en plus intéressante avec la raréfaction des ressources fossiles.

Mais loin d’être exclusivement destinée à l’exportation, cette production agricole a surtout pour but d’assurer la subsistance des Brésiliens. Contrairement aux deux pays étudiés précédemment le Brésil n’a pas encore atteint son pic démographique ce qu’on peut voir en utilisant la pyramide des âges. Ainsi ce pic devrait être atteint autour de 2045 avec une population de 230 millions de personnes contre 213 millions aujourd’hui.

Avec une population plus nombreuse ainsi que des ressources naturelles et de l’énergie, le pays sera capable de croître au sens de Solow. La croissance de Solow consiste en la juxtaposition des moyens de production. Typiquement on peut prendre l’exemple d’une papèterie au Brésil : si la quantité de personnel, de bois et d’énergie est suffisante pour en construire une seconde alors le PIB aura doublé en même temps que la capacité de production. C’est ce mécanisme qui permet aux pays émergents de se développer rapidement et de rattraper les économies plus avancées. Cependant les ressources étant limitées il est nécessaire à terme de gagner en productivité. On entre alors dans la croissance selon Romer qui n’est plus basée sur les objets mais sur la connaissance et les idées, virtuellement infinies. Mais pour l’heure le Brésil n’a pas encore atteint cette nécessité et peut se baser sur ses ressources qui lui permettront de rattraper les économies développées tout en fournissant une croissance élevée et des rendements intéressants.

Le pays du rendement ?

La bourse au Brésil fournit en effet des rendements intéressants passant principalement par les dividendes versés. Ainsi, les dividendes de l’indice MSCI Brazil s’élèvent à 14,26%. Ces chiffres élevés viennent de plusieurs causes dont les secteurs d’activités et les taux directeurs. D’abord les secteurs d’activité les plus développées sont ceux qui versent traditionnellement des dividendes importants. Alors qu’une entreprise de croissance technologique va réinvestir sa trésorerie pour continuer à innover et se développer, les secteurs plus cycliques et value préfèrent redistribuer leurs gains. En effet, leur capacité de développement est limitée : l’extraction de matière première et de pétrole est conditionnée par le nombre de gisements disponibles. Les infrastructures et les télécoms arrêtent de se développer une fois que tous les usagers sont desservis et c’est le même principe pour la banque. Les bénéfices ne servent alors plus à développer l’activité mais plutôt à récompenser les actionnaires. De plus les taux directeurs de la banque centrale sont élevés, ils ont été montés à 13,75% en août 2022 pour une obligation d’Etat classée BB-, ce qui pousse les entreprises à s’aligner pour pouvoir lever des fonds. Ces taux élevés sont possibles grâce à une croissance importante qui permet de servir les intérêts de la dette. On notera également que le taux du 10 ans brésilien est de 12% soit moins que le taux actuel du fait des politiques anti inflationnistes mises en place qui créent un spread négatif avec les taux courts. Cette situation ne résulte pas de volontés politiques mais plutôt d’impératifs économiques pour lutter contre l’inflation. En tant d’inflation contrôlée les taux de long terme ont à l’inverse tendance à être plus élevés car il est plus difficile d’anticiper une situation lointaine : c’est ce risque qui est récompensé ainsi que la capacité à bloquer des fonds.

L’inflation au Brésil est stable depuis 2017 aux alentours de 4% après des années 2015 et 2016 marquées par une inflation autour de 9%. Ce taux reste donc largement en-dessous des taux directeurs, cela permet notamment aux retraités mais aux Brésiliens en général de se constituer une rente à partir d’obligations d’Etat qui s’apprécie au fil du temps.

Il n’en va en revanche pas de même pour les investisseurs internationaux. En effet, même si les taux sont importants les actifs brésiliens sont cotés en Réal brésilien. Or le Dollar a surperformé le Réal de 250% au cours des dix dernières années, soit une performance annualisée de 13%. Ainsi ces taux intéressants pour un Brésilien dépensant son argent sur place mais beaucoup moins pour un investisseur international.

Bilan

On a vu que la situation au Brésil était contrastée. Le pays dispose en effet de nombreux atouts en termes de ressources naturelles et de démographie. Il se positionne comme un pôle incontournable en Amérique du Sud mais expédie également ses denrées notamment alimentaires partout dans le monde. Cependant le pays souffre également d’instabilité politique l’empêchant de se développer plus efficacement. Celle-ci vient d’inégalités parmi les plus importantes dans le monde selon le coefficient de Gini et d’un chômage dépassant les 13%.

Cette situation n’inspire pas confiance aux investisseurs étrangers comme le montre le PER brésilien qui est seulement de 6. Les résultats de l’indice national sont également décevants avec une performance moyenne négative au cours des dix dernières années à -1,04% par an. Le pays sous-performe donc les indices Emerging markets et ACWI depuis 2007 comme on le voit ci-dessous. Nous verrons dans le futur si l’avantage démographique et la disponibilité des ressources combinés à une monnaie dévaluée qui favorise les exportations permettront d’inverser cette tendance pour le Brésil.

Jules Mainand