Quand on parle de pays émergents, l’un des premiers exemples qui vient à l’esprit est la Chine. Avec une vaste population et une économie qui s’est ouverte depuis la mise en place par Deng Xiaoping, le pays dispose de nombreux atouts. Dans cette seconde étape de notre tour du monde nous nous intéresserons aux particularités de l’investissement en Chine.

Quelques chiffres

Le premier chiffre qui vient à l’esprit à propos de la Chine est bien sûr sa population, avec près de 1 milliard est 450 millions d’habitants, le pays dispose à la fois de capacités de production importante et d’un vaste marché intérieur. Cette population s’est déplacée des campagnes vers les villes lors de la plus grande migration organisée de l’Histoire, au gré de la mécanisation de l’agriculture et du développement de nouvelles industries comme la production de biens discrétionnaires et les services de communication et la technologie. Ainsi, ce premier secteur représente plus de 30% de l’indice MSCI China avec des compagnies comme Alibaba et Meituan, deuxième et troisième capitalisation de l’indice. Quant à la première place, elle est occupée par Tencent Holdings dont le cœur d’activité est la communication mobile.


Les autres entreprises du top 10 des capitalisations sont méconnues à l’internationale car elles ont surtout pour client le vaste marché national chinois et dans une moindre mesure les pays de la région. Néanmoins on note la volonté de la Chine et de ses entreprises de s’ouvrir de plus en plus à l’international et de s’adresser aux économies développées. Les exemples sont nombreux mais on pourra notamment citer le changement de politique concernant la propriété intellectuel. Lorsqu’elle était un période de rattrapage la Chine avait un système national qui permettait à ses entreprises d’imiter les technologies d’autres pays, désormais il s’agit d’un système de brevet international protégeant également les compagnies étrangères. D’autres exemples sont l’émergence récente de compagnies chinoises à l’international dont pourra citer Xiaomi qui rivalise dans le secteur de la technologie avec des entreprises solidement implantées ou encore de TikTok et de son arrivée dans un monde des réseaux sociaux sous hégémonie américaine.

Ce développement s’accompagne de l’émergence d’une classe moyenne importante à la recherche de plus en plus de confort et de services ce qui garantit une réserve de clients avec plus de moyens pour les entreprises nationales. 

Avec ce développement, la Chine a aussi besoin de sécuriser ses approvisionnements, notamment en matières premières, ce qui la pousse à investir de plus en plus à l’étranger en particulier en Afrique. Par la mise en place de ces projets à l’international, la Chine prend également un rôle politique de plus en plus important et se positionne comme un acteur de premier plan influent et qui ne pourra pas être ignoré dans le futur.

Ce développement fulgurant pose pour les investisseurs la question de la classification de la Chine comme pays émergent ainsi que de la valorisation des actifs sur ses marchés.

Peut-on investir en Chine et à quel prix ?

Les questions de la valorisation des actifs chinois et de la classification comme pays émergent interrogent les investisseurs, en effet selon les critères analysés les conclusions que l’on peut tirer ne coïncident pas. 

Pour ce qui est de la valorisation, même les experts de MSCI ont pu brusquement changer d’avis comme en 2019 où la part de l’indice China A shares est passée de 5 à 20% dans l’indice Emerging Markets. Aujourd’hui la Chine représente plus de 30% de l’indice soit deux fois plus que l’Inde qui est le deuxième pays le plus capitalisé.

Le pays se démarque également des autres pays émergents par son PER en juin 2022 de 15,5 contre 12,5 pour l’ensemble du groupe ce qui traduit une plus forte confiance des investisseurs. Cependant ce PER reste plus faible que celui de l’ACWI à 16,3 qui est tiré vers le haut par les pays plus développés. Ainsi le MSCI USA en septembre 2022 avait encore un PER de 18,3 malgré la dégradation de la situation mondiale. Pour finir la comparaison avec les Etats-Unis, le PIB de ceux-ci était de 23 000 milliards de dollars en 2021 contre 15 800 milliards pour la Chine, mais si on s’intéresse aux capitalisations les entreprises américaines représentent 62% de l’indice ACWI contre 3,5% pour les entreprises chinoises ce qui montre encore une fois un sous-investissement comparativement à la richesse produite.

On a vu qu’en tenant seulement compte des critères de production de richesse, la Chine semble être un pays où les actifs financiers sont faiblement valorisés. Les faibles valorisations sont typiques des pays émergents, notamment parce que ceux-ci sont généralement plus instables et inspirent moins confiance aux investisseurs. Nous allons donc voir si la Chine peut encore être considérée comme un pays émergent.

Géopolitiquement la Chine peut être considérée comme l’un des cinq principaux pays émergents que sont les BRICS. Cependant contrairement au Brésil, à la Russie, à l’Inde et à l’Afrique du Sud, la Chine a quitté son rôle de puissance régionale pour devenir une puissance globale. La Chine développe également le paiement en Yuan avec la Russie et l’Arabie saoudite pour le pétrole, et plus généralement dans sa région, afin de se « dédollariser » et donc de proposer une alternative aux Etats-Unis. Plus généralement la Chine veut faire de sa monnaie une référence en mettant en place son renminbi numérique qui est la première monnaie numérique de banque centrale, mais aussi par son marché obligataire d’Etat qui croît de plus en plus à l’étranger comme en témoignent la mise en place d’ETF comme le Goldman Sachs Access China Government UCITS et en prenant 8% de l’indice Bloomberg Barclays Global Aggregate. Malgré cet engouement la part des investisseurs étrangers sur le marché obligataire chinois reste faible et elles ne représentent pas la même sécurité que les bonds du trésor américain mais sont plutôt une diversification qui permettent d’obtenir un rendement intéressant, comme souvent avec les obligations de pays émergents avec une croissance élevée, après des décennies de taux bas en Occident.

Pros and cons

A la fin de cette étude nous pouvons conclure que la Chine dispose de nombreux atouts qui peuvent attirer l’investisseur. Ce pays qui était anciennement une grande puissance a rattrapé les économies occidentales en se servant de sa vaste population et avec un Etat dirigiste qui a imposé des réformes. Aujourd’hui les grandes compagnies chinoises rivalisent avec des entreprises implantées depuis longtemps dans tous les types de secteurs et les obligations d’Etat gagnent en popularité à l’étranger. 

Cependant malgré ces performances les investisseurs ont peu confiance et sont inquiets à l’idée d’investir une partie importante de leur capitale en Chine. La source de cette inquiétude est le gouvernement chinois qui se montre très interventionniste et dont les décisions peuvent brusquement faire chuter les marchés et créer de la volatilité. On citera notamment la disparition de Jack Ma, cofondateur et dirigeant d’Alibaba, entre octobre 2020 et janvier 2021 après ses critiques envers le gouvernement et sa volonté de mettre en place un système de crédit ne passant pas par l’Etat. Également les inquiétudes vis-à-vis de l’indépendance de Taïwan et des interventions en Mer de Chine font souvent chuter les marchés. Tout ceci empêche d’investir sereinement en Chine. Cette inquiétude traduit sur le cours du Yuan par rapport au dollar. Alors que la Chine gardait un rôle régional et avait une forte croissance de pays émergent de 2005 à 2014 le Yuan performait par rapport au Dollar. Mais cette tendance a pris fin tandis au moment où l’économie chinoise est devenue plus mature et où la Chine s’est affirmée à l’international.

Jules Mainand