S’il y a quelques décennies la Chine attirait les investisseurs amateurs de marchés émergents par sa forte croissance et sa population importante, aujourd’hui c’est l’Inde qui endosse ce rôle pour les mêmes raisons. Dans cet épisode nous étudierons les atouts et les inconvénients de ce pays qui devrait devenir le plus peuplé au monde dans les années à venir mais qui ne saurait se résumer à sa seule démographie.

Quelques chiffres

Comme explicité en préambule, l’Inde attire d’abord les regards par sa démographie. Avec une population croissante, elle pourrait devenir le pays le plus peuplé, devant la Chine qui a été pénalisée par la politique de l’enfant unique, dès l’année prochaine (2023). Parmi cette vaste population se trouvent 375 millions de jeunes (10 – 24 ans) qui sont de plus en plus éduqués, faisant de l’Inde le premier pays d’origine des étudiants au monde. Ces étudiants se trouvent aussi bien en Inde, avec 2,5 millions de diplômés par an dont 150000 ingénieurs, que dans les pays anglo-saxons grâce à leur maîtrise de l’anglais. Le pays est également le troisième avec le plus de scientifiques et de chercheurs. De plus, la forte démographie et le développement du pays viennent avec l’émergence d’une classe moyenne citadine plus dépensière qui alimente l’économie du pays.

On a vu que l’Inde avait de quoi devenir une grande nation technologique, il est donc logique que ce secteur soit déjà important et représente 14,72 % de l’indice national avec de grandes compagnies comme Infosys et Tata Consultancy. Cependant, caractéristique des pays émergents, le premier secteur reste le bancaire avec 24,6 % de la capitalisation. Quant à l’entreprise la plus capitalisées il s’agit de Reliance Industries qui officie dans le domaine de l’énergie et représente plus de 10 % de l’indice.

Concernant les perspectives d’évolution boursières, JP Morgan a estimé que l’Inde pourrait devenir la cinquième bourse mondiale en 2024. Il est à noter que les actifs du pays sont très fortement valorisés à bénéfices équivalents face à ceux des autres pays émergents. Ainsi le PER moyen au 30 septembre 2022 s’élevait à 23,61 en Inde contre 11,48 pour la moyenne des pays émergents et 15,78 pour le ACWI. Cette forte valorisation vient de la confiance dans l’économie indienne mais également de taux réels fortement négatifs qui poussent les locaux à investir dans les marchés actions. Cette valorisation vient également des flux de capitaux étrangers qui ont augmenté de 37% depuis la mise en place en 2014 de l’initiative « Make in India » par le gouvernement et qui vise à inciter les entreprises étrangères à développer leurs activités en Inde. Les entreprises étaient pourtant réticentes à cause notamment du manque d’infrastructure en Inde ainsi que du droit du travail et de l’administration complexe, nous allons donc voir ce qui les a poussé à investir dans ce pays.

Le rattrapage de l’Inde en terme d’attractivité

On a vu que l’Inde disposait de nombreux atouts en termes de main d’œuvre et de démographie, de plus la plus grande démocratie a également hérité du droit anglais et dispose d’une justice indépendante qui en font un pays qui inspire confiance pour les entreprises. Aujourd’hui de grandes compagnies comme Vodafone, Amazon, Unilever, Samsung, Adidas et bien d’autres investissent en Inde. Néanmoins cela n’a pas toujours été le cas à cause du manque d’infrastructures. Ce défi est le revers de la médaille pour tous les pays disposant d’une vaste population croissante et d’un territoire étendu. La Chine avait pour les mêmes raisons eu recours à la politique de l’enfant unique afin de prendre le temps de développer des infrastructures, ce qui pose désormais problème. L’Inde quant à elle continue de multiplier des grands chantiers d’Etat pour répondre à la demande croissante des usagers à travers ses différents plans quinquennaux. Ainsi de 2007 à 2012, il a été estimé que 1000 milliards de dollars étaient nécessaires à la seule modernisation des infrastructures. En 2016 il était encore prévu de dépenser 500 milliards pour le développement du réseau routier ainsi que 250 milliards pour les infrastructures électriques sur 5 ans. Le pays souffre en effet de l’enclavement de certaines provinces plus rurales ainsi que de la distance qui sépare les grandes villes, pour la plupart sur les côtes. Pour remédier à cela le gouvernement met en place des corridors industriels reliant les différents pôles du pays. Ce désenclavement passe par des autoroutes, des ports, des aéroports et des lignes de chemins de fer avec des projets de trains à grande vitesse.

Face à ces difficultés, le programme Make in India vise à attirer les usines des différentes grandes marques. Cela passe par le développement des infrastructures mais également des zones économiques spéciales et des exemptions temporaires de taxes. Grâce à ces mesures notamment, l’Inde a bondi dans les classements du Ease of Doing Business (63/190) et Global Competitiveness (68/141). Ces bons résultats attirent d’autant plus les capitaux étrangers malgré les difficultés que le pays continue de connaître.

Bilan

On a vu dans les précédentes sections que l’Inde disposait d’un grand potentiel qu’il lui reste cependant à mettre en valeur, ce qui peut s’avérer un défi de taille lorsqu’on s’apprête à abriter la plus grande population mondiale et que l’on est le septième pays en termes de superficie. L’Inde a cependant pour elle différents atouts dont une démocratie forte pouvant s’appuyer sur une administration et un droit bien installés, ainsi qu’une vaste population fournissant à la fois une main d’œuvre et des cadres qualifiés mais aussi un vaste marché interne. Elle devra cependant composer avec le déficit chronique en infrastructures et des tensions dans certaines provinces comme le Cachemire.

Du côté des cours, celui du MSCI India a surperformé l’indice Emerging Markets ces quinze dernières années ainsi que le ACWI sur cinq ans. Le dollar ayant cependant gagné 110% face à la roupie sur les quinze dernières années, l’investisseur étranger devra cependant considérer les risques de change.

Jules Mainand